Fillon et l’antisémitisme : un cas d’école de l’idéologie nationaliste française

Invité sur Europe 1 mercredi 23 novembre, l’ancien Premier ministre a déclaré « les intégristes sont en train de prendre en otage la communauté musulmane, il faut combattre cet intégrisme ». Ajoutant : « Comme d’ailleurs dans le passé on a combattu une forme d’intégrisme catholique. Comme on a combattu la volonté des juifs de vivre dans une communauté qui ne respectait pas toutes les règles de la République française ».
Cette déclaration démontre que l’antisémitisme fait partie intégrante du logiciel idéologique du nationalisme français, qui irrigue l’ensemble des courants politiques. Elle démontre par ailleurs en creux que loin de s’en prendre aux seuls « intégristes musulmans », c’est l’ensemble des musulmans qu’il vise dans son discours qui se présente frauduleusement comme laïque. Encore une fois, on oppose le mauvais musulman et le bon musulman, ce dernier étant entièrement réduit à un membre « d’une communauté » (comme si les actions et opinions des musulmans étaient déterminées par leur appartenance à une communauté fantasmée, agissant à l’unisson). Les « bons musulmans » sont alors, au pire de potentiels intégristes, au mieux des objets passifs « pris en otage », quoi que cela veuille dire.
Par ailleurs, ce discours est à rapprocher d’autres sorties de sa part sur les « racines chrétiennes de la France », de son soutien apporté aux homophobes de la « manif pour tous » qui font apparaître, dans son propos, la référence à « l’intégrisme catholique » comme un simple artifice de discours visant à masquer un discours raciste derrière un discours raciste. On notera d’ailleurs la façon dont il prend soin de parler « d’une forme d’intégrisme catholique », tandis que musulmans et juifs sont ramenés à une prétendue posture unique : « la communauté musulmane », « la communauté juive », « les intégristes [musulmans], « la volonté des juifs ». Ces discours forment un tout cohérent qui est la matrice du roman national français : la définition d’un « corps national » blanc et chrétien, qui s’accompagne de la construction d’un rapport d’oppression entre majorité nationale et minorités nationales.
Loin d’avoir disparu, l’antisémitisme est donc l’une des expressions constantes de ce système d’oppression raciste. La présence d’antisémites assumés comme Bannon dans l’équipe de Trump, le soutien de David Duke, montrent par ailleurs que l’antisémitisme n’est pas « un vestige du passé », qui aurait disparu aux Etats-Unis comme en Europe.
Celles et ceux qui minimisent, ici comme aux Etats-Unis, l’antisémitisme majoritaire du nationalisme « blanc et chrétien » y compris dans ses versions prétendument « républicaines » et « modérées » se trompent lourdement. Celles et ceux qui, au sein du camp se revendiquant progressistes ou révolutionnaires refusent d’affronter et combattre l’antisémitisme en prétendant que ce combat est révolu, se trompent également lourdement.
Nous avons besoin d’un combat antiraciste de classe, qui s’oppose frontalement à toutes les manifestations du racisme, qu’il s’agisse de l’antisémitisme, de l’islamophobie, de la négrophobie, du racisme anti-arabe ou anti-asiatique, de la rromophobie, et qui construise ainsi l’unité populaire nécessaire à la liquidation du système capitaliste et du système raciste.

 

23 novembre 2016