L’assassinat d’Ilan Halimi est un crime antisémite qui a laissé des traces profondes chez les Juives et les Juifs de France.
Suite à sa mort en 2006, les réactions de notre camp politique n’ont pas été à la hauteur: déni, minimisation et désertion du combat contre l’antisémitisme ; voilà ce à quoi nous avons été confronté-es. Aujourd’hui encore nous en payons le prix sur tous les fronts de la lutte antiraciste. Il nous faut regarder maintenant ce passé avec lucidité, pour ne pas en reproduire les erreurs.
Certain-es ont considéré l’antisémitisme un vestige du passé, un reliquat historique, alors même qu’il reprenait de la vigueur. L’histoire de l’antisémitisme montre pourtant que celui-ci fonctionne par vague, et imprègne profondément la société française.
D’autres, ont cherché à dévoyer la lutte contre l’antisémitisme dans un discours raciste, en faisant des musulmans et musulmanes le vecteur d’un « nouvel antisémitisme ». Cette théorie droitière et essentialiste cherche à faire oublier la profondeur du racisme dans la société française, dans toutes les composantes.
Les assassins d’Ilan Halimi sont en effet bel et bien de toutes origines. Cela doit nous rappeler que l’antisémitisme n’est pas de nature religieuse, mais politique. L’antisémitisme des assassins de ces deux dernières décénnies puise sa source dans une vision du monde complotiste qui a été forgé en europe et s’est diffusée dans le monde, reprise tant par les suprémacistes blancs que par l’extrême-droite islamiste.
Comme toutes les formes de racisme, l’antisémitisme est présent dans toutes les classes sociales, toutes les couches sociales y compris les minorités. Et cela parce que l’antisémitisme est un élément de l’idéologie dominante. Laisser entendre qu’il ne serait plus qu’un simple résidu individuel, un simple préjugé idiot, est dangereux. L’antisémitisme contemporain est structurel.
C’est pourquoi nous pensons que la lutte contre l’antisémitisme constitue un chantier que personne, et en particulier les progressistes, ne doit déserter. Le combat contre l’antisémitisme est une lutte actuelle, et c’est aujourd’hui encore qu’il faut lutter ! Mais ce chantier doit être mené en articulant le combat contre l’antisémitisme au combat contre l’islamophobie et tous les racismes. Car quand progresse un thème raciste, ce sont tous les thèmes racistes qui progressent : nous le voyons quand une partie de ceux qui stigmatisent les musulmans réhabilitent Pétain, ou quand le thème raciste du « grand remplacement » désigne les juifs comme organisateurs du prétendu remplacement de la population française. Il est urgent de (ré)inscrire l’analyse de l’antisémitisme comme produit d’un système raciste global. Car l’antisémitisme, s’il possède des traits particuliers, est un racisme.
Il est également nécessaire de cesser de conditionner la lutte contre l’antisémitisme à la question israélo-palestinienne : la condition des Juifs et des Juives en France est une condition minoritaire qui date de bien avant le sionisme et la constitution de l’État d’Israël. Quelles que soient leurs relations avec cet État, son gouvernement, sa politique, les Juifs et Juives subissent l’antisémitisme structurel de la société française.
On ne peut donc exiger d’eux, en préalable à la dénonciation de l’antisémitisme dont ils et elles sont victimes, un positionnement, quel qu’il soit, sur la question israélo-palestinienne.
En conclusion, nous avons dit que, face aux crimes antisémites, il existe de nombreux écueils dont la gauche n’a pas été indemme. Pour les dépasser, nous sommes convaincu-es que la seule voie conséquente est celle qui refuse l’approche concurrentielle entre les racismes : l’islamophobie coexiste avec l’antisémitisme, la négrophobie, la rromophobie et le racisme anti-asiatique. et ces différents racismes s’articulent. Les racistes n’ont, eux, pas besoin de choisir !
C’est pourquoi nous nous réjouissons de la reconstitution d’un front large sur le sujet, incluant organisations juives, syndicales, collectifs antiracistes, collectifs féministes et queer et organisations politiques progressistes. Nous pensons qu’il peut s’agir d’une étape pour reconstruire des alliances puissantes contre les racismes, et nous en avons besoin. Cela suppose de constituer une solidarité sans faille face à toutes les manifestations du système raciste, qu’il s’agisse des assassinats antisémites, des crimes policiers racistes, de la stigmatisation des musulmans, des noirs, des arabes, des rroms, des asiatiques et des juifs !
