Réaction suite au premier tour de l’élection présidentielle

Au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, qui s’est tenu samedi 9 et dimanche 10 avril, voilà notre analyse sur la campagne et les résultats.

D’abord, nous constatons à nouveau, comme depuis plusieurs années, l’installation de plus en plus confortable de l’extrême droite dans le paysage politique. Les trois candidats d’extrême droite cumulent en effet un tiers des suffrages exprimés. La nouveauté réside en une séparation entre une candidature principale défendant la stratégie que porte le FN puis le RN depuis ses origines, à savoir l’union des extrêmes-droites derrière une façade pseudo-républicaine, et une frange plus ouvertement fasciste qui soutient la candidature d’Éric Zemmour. Il est inquiétant de constater que, bénéficiant d’un important soutien médiatique de la part notamment du groupe Bolloré, ce dernier obtient plus de 7% des voix, un score plus faible que ce que lui prédisait certains sondages, mais loin d’être négligeable. Malgré les espoirs de certains, cette division de l’extrême droite n’empêche aucunement le RN d’accéder au second tour. De manière évidente, une victoire de Marine Le Pen, dirigeante d’un parti partiellement fasciste dont le programme est centré sur la discrimination envers les étranger·e·s et les minorités, serait une catastrophe pour les Juives et les Juifs de France, comme pour les Musulman·e·s, les Rroms, etc. Nous estimons donc que Marine Le Pen doit obtenir le moins de voix possible au second tour.

Parallèlement, le président sortant n’a pas jugé utile de faire réellement campagne et s’est contenté d’annoncer à l’avance une série d’offensives contre les travailleurs et les services publics, notamment au niveau des retraites et de l’Éducation Nationale. Cela ne l’empêche aucunement d’arriver largement en tête, mais est révélateur d’une dégradation de l’idéal républicain y compris au sein de la bourgeoisie dominante. Ce délitement est confirmé par l’abstention toujours forte et par la faiblesse des forces politiques, PS et LR, qui se sont partagées le pouvoir depuis plusieurs décennies. Ce double constat, de renforcement de la réaction et d’affaiblissement idéologique de la bourgeoisie républicaine, est extrêmement inquiétant. En ce sens, ces élections sont le signe d’une catastrophe qui nous arrive dessus depuis plusieurs décennies : la fascisation progressive du champ politique français, qui finira totalement lepenisé si un coup de barre à gauche n’est pas mis à un moment ou à un autre.

Au sein de la gauche, le constat est pessimiste. Malgré le score de Jean Luc Mélenchon qui a massivement attiré l’électorat des autres candidats de gauche, sans doute plus par un effet vote utile que par réelle adhésion, l’addition des différents candidats de centre gauche, de gauche, et de gauche révolutionnaire donne un score moindre que celui de l’extrême droite seule. Constatant la situation, deux candidats, Jean Luc Mélenchon et Fabien Roussel, ont tenté de sortir de l’impasse en combinant un programme social démocrate sérieux, censé préserver d’une trop grande dérive, avec des appels du pied réguliers envers les électorats réactionnaires. C’est ce qui explique les positions ambiguës du premier sur la vaccination, son manque de clarté vis-à-vis de l’impérialisme russe, ou ses dérapages complotistes ou antisémites. C’est ce qui explique pour le second la participation à la manifestation policière contre l’État de droit ainsi que les sorties médiatiques régulières dans un esprit « saucisson – bagnole – pinard » (qui n’ont pas grand chose à voir avec la défense d’une véritable culture ouvrière). Cette stratégie nous semble également inquiétante, sous-estimant notamment la puissance d’attraction d’une extrême droite aux portes du pouvoir et culturellement hégémonique. Cela ne nous semble pas une voie à même de mener à la nécessaire reconstruction du camp progressiste, pas plus d’ailleurs que la culpabilisation de celles et ceux qui ne se sont pas reconnus derrière la candidature principale.

Au sein de la minorité juive, les voix de gauche ont depuis quelques décennies particulièrement du mal à se faire entendre. Une donnée positive cependant : face aux déclarations d’Éric Zemmour concernant Pétain, la famille des victimes d’Ozar Hatorah, l’affaire Dreyfus, etc. une partie des Juifs et Juives de France semble avoir adopté un réflexe républicain menant vers un soutien à des candidatures de droite ou du centre droit (cette supposition devra cependant être confirmée par des études ultérieures). Si cet éloignement de certains des thèses les plus réactionnaires est positif, le délitement progressif de l’idéologie républicaine risque de rapidement poser la question de ses perspectives. Ce vote réflexe n’empêche pas que, principalement par islamophobie, une portion importante de notre minorité continue à défendre les thèses d’extrême-droite, et donc choisit de s’allier avec des forces ouvertement antisémites.

En ce qui nous concerne, quelle que soit la stratégie choisie vis à vis des élections ou le cadre dans lequel nous avons choisi de nous engager, nous ne pouvons que déplorer le manque de diffusion de nos idées dans la société, dont ces élections ont été représentatives. Cette faiblesse nous impose comme mission :

  • L’engagement dans nos organisations, syndicats et collectifs, afin de les renforcer et d’y défendre une ligne sans ambiguïté antiraciste, anti-antisémitisme, internationaliste, etc. dans l’objectif de maintenir l’existence d’une proposition politique résolument révolutionnaire.
  • La participation à la construction de contre-pouvoirs et de mobilisations sociales, antiracistes, féministes, écologiques, etc. convergentes, unitaires et victorieuses, seules à même de remettre sur la table des thématiques progressistes et de remettre nos idées au cœur du débat.