Sur le meurtre de René Hadjadj

Le 17 mai, dans le quartier lyonnais de la Duchère où réside historiquement une importante population juive, René Hadjadj, 89 ans, a été tué après avoir été jeté du haut de son immeuble. Le meurtrier, Rachid Kheniche, était connu du voisinage pour ses colères. Il était également très actif sur les réseaux sociaux, notamment twitter, où il se présentait comme militant LR, relayait très régulièrement la chaîne de droite extrême CNews ou le candidat d’extrême droite Florian Philippot et reprenait la thèse antisémite, diffusée notamment par les réseaux dieudo-soraliens, selon laquelle la société française serait infiltrée par des milliers d’agents du Mossad en dormance, les « sayanims ».

Ce meurtre fait bien évidemment penser à ceux de Sarah Halimi et de Mireille Knoll : à chaque fois, une personne âgée juive est assassinée à son domicile par un voisin ; à chaque fois, la question de la santé mentale du meurtrier se pose. Dans le cas de Rachid Kheniche, après plusieurs jours et la mobilisation d’une partie de la communauté juive, le parquet a finalement retenu le motif antisémite, se basant notamment sur son activité sur internet. La seconde question qu’il restera à élucider sera la question de l’état mental du tueur : était-il en pleine possession de ses moyens au moment de passer à l’acte? Quelle que soit la conclusion sur ce second point, il n’est pour nous pas exclusif du mobile antisémite. Un délire peut en effet très bien entrer en coïncidence avec des lectures et des théories existantes et y trouver un point de fixation (c’est à dire qu’une personne victime de délire peut focaliser celui-ci sur un thème déjà existant qu’elle aura croisé de part ses lectures, ses rencontres, etc.). Dans ce cas, lors du passage à l’acte l’assassin peut ne pas être maître de ses actes, son délire peut s’imposer à lui, mais son action tout de même être guidée par un mobile antisémite. Si cette hypothèse était vérifiée, l’une des réponses pour éviter que ce type de drames se reproduise à l’avenir serait de se mobiliser non seulement contre la diffusion des discours antisémites, mais également pour la reconstruction de structures de santé mentale de proximité, victimes de décennies de politiques libérales.

Quoiqu’il en soit, nous exigeons justice et vérité pour René Hadjadj. Non pas pour une quelconque vengeance carcérale mais bien pour donner les éléments qui permettraient de comprendre et de prévenir les manifestations contemporaines des homicides antisémites. En effet, le battage médiatique autour de l’affaire Sarah Halimi et le débat sur l’irresponsabilité (ou non) pénale du tueur n’ont malheureusement pas permis de faire avancer la lutte contre l’antisémitisme. Le discours s’est focalisé sur la consommation de stupéfiant du meurtrier et a éludé les autres facteurs, comme l’antisémitisme, qui auraient pu aider à comprendre les raisons et les modalités du passage à l’acte meurtrier.

Quelques soient les résultats de l’enquête, une nécessité s’impose à nous : lutter toujours et partout contre les théories antisémites, car tout semble pour l’instant indiquer que René Hadjadj, comme Sarah Halimi, comme Mireille Knoll, a été tué parce que juif.