Concernant Médine : ni islamophobie, ni complaisance avec l’antisémitisme

Suite à la polémique de cet été autour de l’invitation de Médine par LFI et d’EE-LV, nous avons choisi d’écrire deux textes : le premier spécifiquement sur les positions du rappeur ; le second, qui suivra, sur la question plus large des invité·es lors de ces journées d’été.

Le rappeur Médine a récemment été invité aux journées d’été de LFI et d’EE-LV. Suite à cela, des accusations d’antisémitisme ont été émises à son encontre. Celles-ci portent sur un échange de twitts avec Rachel Khan où, insulté par celle-ci de « déchet » il a répondu par un jeu de mots sur son nom (« resKHANpée » en écho à la polémique vieille d’un an au sujet de Mathilde Panot) ; sur les paroles de certaines de ses chansons (« Mc Soraal » de 2014 où il joue un personnage à cheval entre Alain Soral et Mc Solaar et parle de « commerce de l’holocauste » et « Porteur saint » en 2017 où, dénonçant l’hypocrisie de certains religieux, il évoque des « étoiles de David sur les machettes rwandaises ») ; et sur la proximité qu’il a semblé avoir au début des années 2010 avec les thèses d’antisémites notoires comme Dieudonné (en 2012 il déclare que « Dieudonné a plus contribué à désamorcer certains sujets, comme le racisme, que l’inverse » ; une photo circule du rappeur réalisant une quenelle en 2014) et de Kemi Seba (il a assisté et a été applaudi la même année lors d’une conférence profondément antisémite de ce dernier, selon lui dans une « démarche de recherche »). Au niveau chronologique, les comportements les plus problématiques datent donc de la période 2012-2014. Depuis, Médine semble s’être fait plus discret sur la question. Il n’empêche qu’à ce moment, Dieudonné est clairement identifié comme antisémite puisque par exemple son spectacle avec le négationniste Robert Faurisson date de 2008. Il y a donc un réel problème de fond avec certains discours et certaines positions passées de Médine, avec une proximité de sa part vis-a-vis de certaines théories antisémites, qui explique en partie la polémique actuelle.

Cependant, la plupart des accusations entendues dans les médias reprennent des biais islamophobes et répondent à un agenda opportuniste de la part de personnalités politiques et médiatiques qui ont intérêt à s’en prendre aux formations de gauche et qui, pour certaines, ont également des reproches à se faire sur le sujet. Il en est ainsi de l’idée conspirationniste de taqiya qui permet de faire de chaque musulman·e un·e takfiriste potentiel·le, ou des attaques venues par exemple de quelqu’un comme Éric Naulleau qui a travaillé des années avec Éric Zemmour et a écrit un livre avec Alain Soral, ou de toutes celles et ceux qui travaillent depuis des années à la réhabilitation de la mémoire du criminel Pétain. Notons également que parmi les invité·es des journées d’été de LFI figurent d’autres personnes qui ont des positions très problématiques, comme Viktor Dedaj, Alexis Poulin, ou bientôt Hubert Védrine aux universités d’été du PCF, sans que cela ne soulève aucune polémique. Nous publierons prochainement un texte spécifique sur le sujet.

Suite à ces accusations, Médine a reconnu sur Mediapart le 22 août « avoir été trompé à un moment donné » sur le sens de la quenelle et avoir fait « une vraie erreur », celle de ne pas s’en être suffisamment désolidarisé. De certains qui avaient critiqué son attitude à l’époque, il dit maintenant « Ils avaient raison sur l’impasse idéologique où je me trouvais à ce moment là. Je leur ai dit et je me suis excusé d’avoir eu une attitude réactionnaire à l’époque. » Si le rappeur lui même semble avoir moins de difficultés à situer le problème que certain·es de ses avocat·es à gauche, notamment issu·es de LFI, ce début d’autocritique reste limité : deux jours plus tard, il déclare à l’Humanité « en vingt années de carrière, il n’y a jamais eu un soupçon crédible d’antisémitisme me concernant ». Au niveau de ses défenseurs, c’est souvent pire puisqu’on en vient à retirer purement et simplement l’antisémitisme de l’équation. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon, dont il est vrai qu’on attend peu sur le sujet, twittait « C’est un plaisir de recevoir Médine aux Amfis 2023. La victime de racisme, c’est lui ». On notera (encore) son sens de la formule. 

Nous estimons pour notre part nécessaire qu’un travail de retour critique soit mené sur le sujet de la part de tout celles et ceux qui se sont compromis avec les discours kemistes ou dieudo-soraliens, y compris donc Médine. Cependant, il ne nous semble pas que de cette polémique puisse déboucher une avancée sur ce plan, notamment du fait du paternalisme, de l’opportunisme et de la reprise de discours islamophobe d’une grande partie des réactions. Nous estimons quant à nous que le combat contre l’antisémitisme ne peut se faire en adoptant un discours islamophobe ou en prenant la forme d’une injonction adressée uniquement aux membres de la minorité musulmane. Réciproquement, la lutte contre l’islamophobie ne peut ignorer la question de l’antisémitisme et donc passer ces discours et ces compromissions sous silence.