Depuis sa création, notre groupe s’est peu exprimé sur les sujets internationaux. Étant peu nombreux·ses et militant en France, nous estimions que notre priorité devait être la lutte ici et maintenant, c’est-à-dire en France contre l’antisémitisme et la progression des idées réactionnaires. À cela s’ajoutait la crainte de servir de caution juive à une gauche qui subordonnait totalement l’antisémitisme à la situation en Israël / Palestine et traitait tout questionnement sur le sujet comme émanant d’un complot des « sionistes » (que nous mettons entre guillemets, puisqu’il s’agit plus de lancer des excommunications à partir de fantasmes complotistes que de dénoncer des positionnements politiques réels).

Depuis le 7 octobre 2023, un tel positionnement est devenu difficile.

Les crimes perpétrés par le Hamas puis par l’armée israélienne ont eu plusieurs effets en France. Les premiers ont fortement choqué une majorité de la communauté juive pour qui le 7 octobre s’inscrit dans l’histoire longue de l’antisémitisme et des pogroms. Dans cette optique, le refus d’une partie de la gauche de condamner le massacre, voir les justifications à celui-ci ont été des points de rupture (l’UJFP et le NPA-A se sont ici tristement illustrés, les premiers en comparant les tueurs du Hamas aux héros de l’affiche rouge, les seconds en désignant les kibboutz où les assassins se livraient à leur sinistre besogne comme des « colonies acquises aux résistantEs »). À l’inverse, l’ampleur des représailles israéliennes, les crimes contre l’humanité commis à Gaza et la complicité française dans ceux-ci (y compris par la participation de binationaux) ont rendu nécessaire les prises de position fortes en France et ont mobilisé de larges mouvements de protestation. Enfin, l’explosion des actes antisémites prenant comme prétexte la situation là-bas, l’assimilation par une partie des organisations de la minorité juive et par la droite au pouvoir de l’antisionisme à l’antisémitisme, la paranoïaque chasse aux « sionistes » dans laquelle une partie de la gauche radicale a cru bon de se lancer ont rendu inaudible toute tentative de parler d’antisémitisme comme d’un sujet indépendant.

Nous avons donc révisé notre position. Depuis le 7 octobre 2023, nous avons écrit de nombreux textes et participé à de nombreux rassemblements pour la paix et la justice en Israël / Palestine, sans pour autant transiger avec l’antisémitisme. Nous continuerons.

Mais s’il faut être internationalistes, soyons le vraiment. Prenons pour 2025 les bonnes résolutions de manifester notre solidarité avec le peuple ukrainien en lutte comme avec les femmes iraniennes et afghanes ; de dénoncer le colonialisme français dans les territoires outre-mers ainsi que la présence de troupes françaises hors du territoire, notamment sur le continent africain ; de faire connaître la tragique situation du peuple soudanais, pris en étau entre un pouvoir militaire qui a confisqué la révolution et les génocidaires des Forces de Soutien Rapide (suivez sudfa.media) ; de demander à la gauche radicale pourquoi elle tolère en son sein des gens qui ont soutenu le régime criminel de Bachar el-Assad ; d’exiger de notre gouvernement qu’il accueille largement celles et ceux qui fuient la guerre, la dictature et la misère, qu’ils viennent d’Afghanistan, du Soudan, d’Haïti ou d’ailleurs ; de boycotter les produits fabriqués par des prisonnier·es ouïghours victimes d’un pouvoir chinois aux visées ethnocidaires qui pratique à une échelle massive la stérilisation, la torture, l’internement et de multiples autres formes de persécutions ; de dénoncer la complaisance de l’État français vis-à-vis de la dictature saoudienne comme celle d’une partie de nos organisations vis-à-vis des dictatures vénézuélienne et cubaine.

Nous ne pouvons être partout, mais dans la mesure de nos forces affichons au moins une solidarité de principe avec celles et ceux qui, partout dans le monde, se battent pour leur liberté, pour la justice et pour la paix. Luttons ici contre ceux qui, au nom d’une logique nationaliste ou alter-impérialiste, soutiennent des tyrans et des assassins et relaient leurs propagandes.