L’antisémitisme n’est pas résiduel, c’est l’éléphant dans la pièce ! 

L’investiture de Donald Trump a été une nouvelle fois l’occasion de constater que, loin d’être « résiduel » comme certain·es à gauche l’affirment, l’antisémitisme s’exprimait jusqu’au plus haut niveau des Etats et était promu activement par une partie de la grande bourgeoisie. Que celui-ci, loin d’avoir été remisé au passé par la droite nationaliste comme le prétendent nombre de commentateurs, continue de structurer sa vision du monde.

Les deux saluts nazis d’Elon Musk ne sont que la traduction d’une orientation politique de longue date : celle d’un milliardaire suprémaciste blanc qui apporte son soutien à une internationale fasciste et nationaliste comme en témoigne son appui à l’AfD, parti d’extrême droite allemand qu’il juge seul capable de « sauver l’Allemagne », mobilisant son réseau social X pour en promouvoir la popularité. Les propos antisémites ou appels du pied antisémites d’Elon Musk sont nombreux. Celui-ci a ainsi qualifié « d’exacte vérité » les propos d’un twittos affirmant que « les communautés juives » proneraient « la haine des blancs ». Il a multiplié les recours à la symbolique antisémite (par exemple en utilisant le symbole de « Pepe the frog », signe de ralliement de l’alt-right), facilité sur X le déversement de haine raciste et antisémite à sa reprise en 2022, déclaré que Georges Soros souhaite « la destruction de la civilisation occidentale ». D’autres exemples sont à lire dans l’article de Mediapart du 21/01 « Elon Musk, un habitué des codes antisémites et suprémacistes ».

Malgré ces multiples signaux d’adhésion à une vision suprémaciste blanche et antisémite, le milliardaire s’est trouvé des défenseurs bénévoles, y compris au sein de notre minorité. Aveuglés par la théorie raciste du nouvel antisémitisme, et par les stratégies de « dédiabolisation » par recours à une forme cryptée -et moins souvent explicite- d’antisémitisme de la part de l’extrême droite, les défenseurs bénévoles de Musk nient l’évidence et ne parviennent pas à voir l’éléphant dans la pièce. Pour cela il s’appuient sur deux arguments principaux :

Le premier, la visite de Musk à Auschwitz après le 7 octobre. Mais une telle visite n’annule en aucun cas les prises de positions de Musk, pas plus que la visite de Francis Lalanne et Dieudonné dans le centre de mise à mort n’efface leur militantisme antisémite. 

Le second argument mis en avant, c’est les manifestations de soutien d’Elon Musk à l’extrême-droite israélienne, et ses déclaration de « soutien à Israel » après le 7 octobre qui prouveraient son opposition à l’antisémitisme. Ce que Netanyahou lui-même a écrit dans un tweet. Mais le soutien à Israël n’a jamais été un critère pertinent pour évaluer l’antisémitisme de quelqu’un. Une partie des nationalistes européens et américains, comme de la droite chrétienne évangélique, tout en étant profondément antisémite, soutient l’État d’Israel dans une vision messianique et civilisationnelle. Ce soutien a plusieurs ressorts qui souvent se cumulent : l’islamophobie, l’adhésion à des prophéties messianiques faisant du regroupement des Juif·ves en terre d’Israël une condition du retour de Jesus et d’une fin des temps qui verrait les Juif·ves se convertir en masse au christianisme, l’adhésion à l’idée que le sionisme représenterait un « réenracinement » en rupture avec la « juiverie internationale ».

L’antisémitisme reste en réalité central dans l’extrême-droite suprémaciste blanche. Il structure une vision du monde complotiste qui fait des Juif·ves la clé ultime des problèmes sociaux, en les rendant responsables des guerres, mais qui les accuse aussi de vouloir dissoudre l’ordre social dominant et notamment les rapports de genre contruits par le patriarcat. Ce n’est pas un hasard que Musk associe une transphobie virulente, suprémacisme blanc et antisémitisme. Les accusations de « marxisme culturel » qu’il reprend à son compte ne sont rien d’autre que la réactualisation du thème du complot juif contre la société, la famille, la nation et la religion, à travers le procès fait aux membres -juifs- de l’école de Francfort de vouloir, par leur critique sociale, renverser des hiérarchies que les suprémacistes voudraient présenter comme « naturelles » .  

Un autre fait marquant de l’investiture de Trump, qui marque l’affirmation au plus haut niveau de l’État américain d’une complaisance avec l’antisémitisme militant, est la libération par Trump de 1500 militants d’extrême-droite condamnés suite à l’assaut du capitole, dont de nombreux néo-nazis tenant des propos ou portant des signes ouvertement antisémites et négationnistes tels que  « Auschwitz camp : 6 million wasn’t enough ». La reprise par les réseaux Qanon – régulièrement soutenus par Trump – des accusations d’enlèvement d’enfant par des « élites pédo-satanistes » dont les représentants seraient majoritairement Juif·ves n’est qu’une réactualisation de l’accusation de « meurtre rituel » faite aux Juif·ves à travers la longue histoire de l’antisémitisme. Elle démontre également la force structurante de l’antisémitisme au plus haut niveau du pouvoir de la première puissance mondiale. 

En France, la mort de Jean Marie Le Pen a été l’occasion d’une gigantesque opération de maquillage historique par l’extrême-droite , relayée y compris au sein du gouvernement, visant à minimiser l’antisémitisme de Jean Marie Le Pen, et a conjuguer celui du RN au passé alors qu’il s’exprime toujours au présent. Le RN recourt régulièrement à des appels du pied pour déployer de manière cryptée un discours antisémite, tout en prétendant avoir rompu avec son passé.

Celles et ceux qui participent, dans tout l’échiquier politique et l’appareil médiatique, à minimiser la profondeur de l’antisémitisme à l’extrême droite, et l’importance du danger qu’elle représente, portent une très lourde responsabilité et font preuve d’une grande hypocrisie. Dénoncer cette hypocrisie et cette malhonnêteté est nécessaire, mais ne doit pas servir de prétexte pour tenter d’évacuer les problèmes qui existent depuis des années dans notre camp social sur ce sujet. 

Combattre l’antisémitisme d’où qu’il vienne et où qu’il s’exprime est une nécessité pour la justice sociale. La lutte contre l’antisémitisme n’est soluble ni dans l’islamophobie, ni dans le soutien aux massacres, ni dans les règlements de compte politiques.