Face aux fake news fascistes, renforçons la lutte contre l’antisémitisme !

Le média d’extrême droite Valeurs Actuelles (VA) a mis en avant récemment deux fake news liées à l’antisémitisme : la première a eu lieu à Strasbourg lorsqu’un journaliste a prétendu qu’une « boulangerie juive » ou « boulangerie israélienne » – en plein Pessah, période où par définition on ne mange pas de pain levé – était attaquée en tant que telle lors d’une manifestation pro-palestinienne. L’autre a eu lieu à Villeurbanne, après l’attaque par deux personnes d’un militant fasciste connu pour avoir agressé des antifas, notamment en faisant des références explicites à Jean-Marie Le Pen (« Je vais te faire courir, rouquin ! »). Or, deux agressions antisémites bien réelles ont eu lieu à Villeurbanne ces dernières semaines, amplifiant l’inquiétude de la minorité juive.

Les manipulations de l’extrême droite sur ce sujet ne sont pas nouvelles : rappelons nous la fake news concernant un slogan antisémite soi disant scandé dans une manifestation du mouvement social contre le racisme que nous avions dénoncé dans un texte il y a un mois. 

Ce journal est bien connu des antiracistes pour ses couvertures tantôt antisémites, complotistes, antirroms, islamophobes, négrophobes, homophobes, transphobes. Rappelons par exemple le ciblage de VA envers Georges Soros, milliardaire juif hongrois, devenu une figure épouvantail de la complosphère antisémite. VA titrait en 2018 à son sujet « le milliardaire qui complote contre la France » et « le militant de la submersion migratoire et de l’islamisme ». Les deux récentes fake news s’inscrivent dans la stratégie de l’extrême droite de prendre le boulevard de la lutte contre l’antisémitisme, laissé vacant par le mouvement social depuis un peu plus de vingt ans, pour gagner en légitimité et avancer vers la prise du pouvoir par le RN. Le manque total de considération pour la réalité de l’antisémitisme dans notre pays montre à quel point la minorité juive n’est pour eux qu’un outil pour faire avancer la haine raciale et la destruction des solidarités, un outil dont ils souhaiteront se débarrasser au plus vite tant il entre en contradiction avec le projet nationaliste de l’extrême droite, qui, malgré l’affichage, est toujours antisémite. Celui-ci a toujours pour finalité la disparition ou l’effacement de toutes les minorités.

La fake news de « l’agression » à Villeurbanne est aussi l’occasion pour toute la fachosphère de lancer une nouvelle campagne contre la Jeune Garde, groupe antifasciste implanté notamment à Lyon. Notre exigence vis-à-vis du mouvement antifasciste (voir notre texte sur la Jeune Garde en septembre 2024 : https://juivesetjuifsrevolutionnaires.wordpress.com/2024/09/11/un-antifascisme-consequent-ne-peut-faire-labstraction-des-dynamiques-racistes-dans-la-societe-dont-lantisemitisme/) ne nous fera jamais cautionner des manipulations sournoises qui se servent des Juif·ves pour s’en prendre au mouvement social. L’autodéfense antifasciste est une nécessité absolue tout autant que l’est la prise en compte par ces groupes du réel antisémitisme qui explose, et la nécessité de ne pas juste en parler quand il faut combattre « l’instrumentalisation » (dont les Juif·ves sont aussi in fine les victimes) comme le voudrait une tendance lourde actuellement à gauche.

Il y a quatre conséquences directes et prévisibles à la diffusion de ces fake news.

D’une part, l’extrême droite continue de gagner en légitimité, notamment grâce au soutien du gouvernement : Aurore Bergé, ministre déléguée à la lutte contre les discriminations, a en effet relayé l’information de ce journal fasciste puis a timidement regretté « avoir laissé entendre » que la boulangerie avait été prise pour cible en tant que telle, sans retirer son tweet initial. Il s’avère par ailleurs que la boulangerie n’a pas de lien avec la minorité juive.

D’autre part, la criminalisation des mouvements antifascistes ou de solidarité avec la Palestine, de plus en plus assimilés en bloc à l’antisémitisme. Celui-ci y est réellement présent et doit y être combattu, mais il n’y est pas majoritaire et une partie du mouvement social, dont nous faisons partie, s’y oppose sans concessions.

La diffusion de fake news est aussi un moyen de diffuser l’islamophobie dans la lignée de la théorie frauduleuse du « nouvel antisémitisme », comme l’a montré l’affaire des faux tags antisémites accompagnés de fausses inscriptions en arabe dans le XIe arrondissement. 

Enfin, ces fake news sont également un moyen de diffuser l’antisémitisme. Par elles, l’extrême droite participe à répandre ainsi l’idée que la majorité des actes antisémites seraient inventés (sous le vocable odieux « d’autosémitisme »). Une véritable aubaine pour les agresseurs, et un des effets désastreux pour les très nombreuses victimes bien réelles, démunies face à la violence dont elles sont victimes.

L’objectif des auteurs de ces fake news est clair : d’un côté, une société divisée sur des bases ethno-raciales et de l’autre, une vision du monde faite de manipulations et de pouvoir caché. C’est l’extrême droite qui est gagnante sur les deux tableaux. C’est la raison pour laquelle nous devons nous battre afin de ne pas accepter ces schémas de pensée. C’est la raison pour laquelle nous appelons chacun·e à la vigilance et à la prudence sur le sujet.

Cependant, face aux médias et aux politiques qui instrumentalisent ou inventent des actes antisémites pour faire avancer leur agenda, la réponse ne peut pas être d’ignorer ou de nier l’antisémitisme ! La réponse ne peut pas non plus être de renvoyer toute dénonciation de l’antisémitisme à un discours d’extrême droite !

De Mélenchon, qui affirmait le 2 juin 2024 que l’antisémitisme est « résiduel » en France et même « totalement absent des rassemblements populaires » à Retailleau qui déclarait en mars 2025 que l’antisémitisme était « résiduel à l’extrême droite », en passant par Aymeric Caron, qui parle laconiquement de « Fausses accusations d’antisémitisme » (1er avril 2025), au pluriel, sous-entendant que ces affaires fabriquées sont bien plus nombreuses, sans compter celles et ceux qui voient un complot des « sionistes » dès que des militant·es juif·ves pointent les problèmes, le mouvement social et une partie de la classe politique ont une responsabilité de refuser ces termes du débat.

Chaque fois que l’extrême droite prétend protéger les Juif·ves, elle les met en difficulté. Chaque fois que le gouvernement donne de la légitimité aux fake news venues de l’extrême droite, il accentue ces difficultés, et chaque fois qu’une partie de la gauche nie ou minimise la réalité en retour, elle accentue encore ces difficultés.

Il s’agit donc de rappeler les faits : tous les rapports montrent une explosion du nombre d’actes antisémites, déjà très élevé, depuis le 7 octobre 2023. Ces chiffres sont largement sous-estimés pour la simple raison que les victimes portent peu plainte. C’est ce que rappelle le président de la Licra de Lyon à Médiapart : « Lors de nos permanences, dans 95 % des cas, les plaignants n’ont ni témoignage ni preuve. »

Il s’agit aussi d’avancer vers une vision internationaliste et de solidarité antiraciste, comme seul horizon émancipateur pour les Juif·ves et pour toutes les minorités.