Aux États-Unis, l’influenceur d’extrême-droite Tucker Carlson a réalisé une interview de deux heures du suprémaciste Nick Fuentes. La vidéo a fait plusieurs millions de vues. De quoi s’agit-il ?

Tucker Carlson est un ancien chroniqueur de la chaîne Fox News qui a lancé suite à son licenciement en 2023 sa propre émission sur internet. Celle-ci a rencontré un grand succès, à la fois du fait de sa célébrité et du choix de ses invités, parmi lesquels on compte des négationnistes ou des conspirationnistes, mais également Donald Trump et Vladimir Poutine. Plus récemment c’est Francesca Albanese qui s’exprimait chez Tucker Carlson, visiblement peu dérangée par un tel voisinage.

Le 28 octobre 2025, c’était Nick Fuentes qui était interviewé. Peu connu en France, il s’agit d’une figure montante de l’extrême-droite états-unienne, aux positions ouvertement négationnistes, antisémites et suprémacistes. Une déclaration, synthétise son positionnement politique : « Les Juifs dirigent la société. Les femmes doivent fermer leurs gueules, les noirs doivent être emprisonnés, pour la plupart d’entre eux, et nous vivrons dans un paradis, c’est aussi simple que cela. » Dans une autre il expliquait que la chrétienté était engagée dans une »guerre sainte » contre les Juifs. Ailleurs, il résume : « Je pense que l’Holocauste est une exagération. Je ne déteste pas Hitler. Je pense qu’il y a une conspiration juive. Je crois au réalisme racial. » Idéologiquement, on pourrait dire qu’il se situe au croisement du nazisme et du fondamentalisme chrétien (plusieurs citations de Nick Fuentes décortiquées ici).

Nick Fuentes ne représente pas la totalité de l’extrême-droite états-unienne ou de la coalition hétéroclite qui a porté Donald Trump au pouvoir et son interview a été dénoncée par plusieurs personnalités de la droite américaine, comme le sénateur Ted Cruz ou l’influenceur Ben Shapiro. Il n’est pas non plus un marginal dont on puisse négliger l’influence. Il dirige un groupe, America First (aussi connu sous le nom de « groypers ») qui se décrit sur son site internet comme combattant les « idéologies immorales et étrangères, comme le sionisme, le nihilisme, et le multiculturalisme qui se sont infiltrées dans la société ». Chaque année, il organise l’America First Action Political Conference,  auquel participent des dirigeants du Ku Klux Klan aux côtés de sénateurs républicains. Il est également proche du rappeur Kanye West (qui se revendique nazi), grand fan notamment de sa chanson « Heil Hitler » dont il rêve de voir « chaque mot chantée par cinquante mille personnes dans un stade ». En 2022 déjà, Nick Fuentes avait été invité à dîner par Donald Trump dans sa résidence de Mar-a-Lago en compagnie de Kanye West. Son interview chez Tucker Carlson est une étape supplémentaire de la normalisation de ses idées. Aujourd’hui, il s’agit donc d’une des figures de l’extrême-droite états-unienne.

De plus, Nick Fuentes n’est pas seul. Plusieurs important·es influenceur·euses états-uniens portent aujourd’hui un discours de réhabilitation du nazisme. A ce titre on peut citer Daryl Cooper, Candace Owens, et d’autres (la revue K a récemment publié un article détaillant cette tendance).

Tout cela peut sembler lointain, mais ce n’est pas le cas. En France aussi, l’extrême-droite progresse tandis qu’un nombre croissant de Juives et de Juifs pensent qu’elle n’est plus un danger. Pourtant, l’antisémitisme est partie intégrante de son logiciel idéologique. Même si le Rassemblement National joue aujourd’hui la comédie de la « dédiabolisation », nombreux sont leurs camarades, de Rivarol à Vincent Reynouard en passant par Alain Soral et le GRECE, qui assument ouvertement des discours racialistes et / ou antisémites. De plus, les liens de l’extrême-droite française avec l’extrême-droite états-unienne sont importants et vont encore se renforcer. En effet, dans sa récente « Stratégie de sécurité nationale », la Maison Blanche considère qu’il est de son rôle « d’aider l’Europe à corriger sa trajectoire actuelle » en soutenant les « partis patriotes européens ».

Ne nous y trompons pas : l’extrême-droite sera toujours l’ennemie des Juif·ves, comme de toutes les minorités.